Conseil régional de l'environnement de la Côte-Nord
Sébastien Caron, directeur général
Le plus récent échec du gouvernement québécois dans sa troisième tentative en quelques années pour réformer le cadre légal en matière d’exploration et d’exploitation minière ne peut que créer un profond sentiment de frustration pour ceux qui, comme nous, ont consacré du temps, de l’énergie et une part significative de nos ressources trop limitées aux différents exercices de consultation qui vont de pair avec ce genre d’exercice.
Il est pourtant clair que le statu quo dans ce dossier est inacceptable. Le régime minier actuel repose sur une loi qui, bien que modifiée à quelques reprises, a été votée au 19e siècle (1880). Elle est désuète et mal adaptée aux enjeux de notre époque. Cela, tous en conviennent. Au cours des dernières années, le gouvernement Libéral de Jean Charest a proposé deux projets de loi visant à moderniser le régime minier québécois.
Le premier, le projet de loi 79, est mort au feuilleton en février 2011 après la prorogation de la session parlementaire. De longs débats sur l’encadrement règlementaire des activités liées à l’exploration des gaz de schiste avaient alors conduit à une évolution lente des travaux en commission et amené la non-reconduction du projet de loi par le gouvernement. Le second, le projet de loi 14, qui accordait notamment plus de pouvoir aux milieux municipaux, est également trépassé avec la prorogation d’une session parlementaire, au printemps 2012. Dans les deux cas, le gouvernement a accusé l’opposition d’obstruction systématique et de partisannerie outrancière.
Avec le projet de loi 43, soumis au vote il y a quelques semaines par le gouvernement minoritaire de Pauline Marois, on pouvait donc espérer une autre issue. Toutefois, on s’est violemment heurté à la réalité des gouvernements minoritaires. Même avec un projet de loi édulcorant plusieurs promesses électorales péquistes, il a été battu en chambre par l’opposition.
Ces trois projets de loi, bien qu’imparfaits, auraient tout de même fait faire au Québec un « bond dans le temps » appréciable, en le dotant d’un cadre légal moderne permettant une intégration plus facile et efficace des préoccupations environnementales et sociales. Toutefois, aucun de ces projets ne remettait en question un élément fondamental du régime québécois, soit le libre accès à la ressource (Free mining). Les propositions visaient plutôt à encadrer ce principe en donnant plus de pouvoir aux milieux municipaux en termes d’aménagement du territoire. Dans tous les cas, l’intérêt public aurait été mieux protégé qu’actuellement.
Pourquoi donc ces trois échecs retentissants ? Par partisannerie politique ? Parce qu’on ne voulait pas que le parti opposé puisse se targuer d’avoir surmonté l’important défi de réformer une loi datant de 1880 ? Par vengeance ? Parce que l’opposition ayant rejeté les deux projets de loi Libéraux, ils n’allaient certainement pas réussir à faire passer le leur ? Peu importe la raison après tout, ce qui est clair, c’est que l’intérêt public a été mal servi à trois reprises ces dernières années et que les premiers à faire les frais de cette incapacité à réformer un cadre légal désuet et inadapté aux enjeux du 21e siècle sont les citoyens du Québec.
Quand les seuls à s’opposer sont ceux dont on cherche à encadrer les activités, c’est quand même signe d’un consensus fort. Rappelons que les milieux municipaux, les organismes environnementaux, les syndicats, même plusieurs organismes de développement économique ont déploré le rejet du projet de loi 43. Dans ce contexte, il est incroyable qu’un tel dossier ne puisse résulter en l’adoption consensuelle d’une nouvelle loi sur les mines, tel que ça avait été le cas pour la Loi sur l’aménagement durable des forêts.
Espérons que nos politiciens se rappelleront que la population qu’ils représentent souhaite qu’ils travaillent rapidement à la modernisation du corpus législatif québécois en matière d’exploitation des ressources minérales. La situation actuelle, en plus de nuire à l’acceptabilité sociale des projets miniers, contribue à maintenir ce secteur d’activité en marge de plusieurs principes de durabilité souhaités par la population québécoise.
On doit faire entrer le Québec minier dans le présent siècle en le dotant d’un cadre légal moderne, qui saura répondre autant aux enjeux environnementaux et sociaux actuels qu’aux aspirations de développement durable de la population québécoise et du secteur minier.